Le Capitole et le Poison

L’invasion du Capitole, temple de la démocratie américaine, révèle la fracture qui divise la société américaine mais aussi la présence de franges de la population affolées par des menaces fantasmées que le président Trump a instrumentalisé par conviction avec cynisme et par ambition personnelle.

L’image est écornée, la réputation ternie. Certainement pour longtemps. Les Etats-Unis, souvent cités en modèle pour la vitalité de leur démocratie, ont peut-être perdu en quatre ans, durant le mandat de Donald Trump, une part de leur influence mondiale tout comme sali les institutions chères aux Pères fondateurs.


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L’assaut et l’invasion du Capitole par des partisans du président sortant, dont les images ont choqué le monde entier, ont révélé une nation américaine fracturée et divisée. D’aucuns argueront que Donald Trump a certainement contribué à creuser le fossé qui s’est dessiné à coups de tweets ravageurs à la pertinence discutable, de déclarations tapageuses et d’une conduite des affaires de l’État qui a laissé perplexe.

Mais si l’homme d’affaires devenu président a joué un rôle en surfant sur la vague populiste, il n’a finalement fait qu’exploiter avec cynisme et ambition personnelle les failles d’une nation décrite en crise depuis sa création. S’appuyant sur l’omnipotence des réseaux sociaux, toujours prompts à relayer, sans grande rigueur éthique, les affres de la société contemporaine, Donald Trump a nourri une forme de dégoût de la démocratie telle qu’elle se pratiquait avant son arrivée à la Maison Blanche au profit d’une autre, considérée à ses yeux comme à ceux de ses partisans plus juste.

Posture et Obscurantisme

Ainsi, en se présentant comme le premier des défenseurs de la démocratie américaine, l’homme s’est enfermé dans la posture du recours et du sauveur d’institution menacées pour finir par humilier la nation à la bannière étoilée.


Quand Jupiter Coupe et Tranche


Mais menacées par quoi ? La foule ivre de haine qui s’est déchaînée sur le Capitole avançait pelle-mêle et sans réelle logique dialectique ou scientifique toute une série d’arguments tous plus loufoques les uns que les autres racisme, xénophobie, complotisme, élection volée et truquée, se mêlaient dans une forme de creuset idéologique vide de sens où prédominait la violence pour seul argument d’échanges.

Pétrie d’ignorance crasse et de rancoeurs cuites et recuites, de bêtise abyssale et d’obscurantisme effrayant, cette foule, préalablement et savamment excitée par les propos va-t-en-guerre de Donald Trump s’est donc ruée sur le Capitole sûre de son fait.

Naturellement, les plus optimistes argueront qu’il ne s’agit que d’une minorité. Mais en est-on si sûr ? Que ce soit aux Etats-Unis, pays ultra-médiatisé ou en Hongrie, modeste membre de l’Union européenne, voire au Royaume-Uni ou ailleurs dans le monde, combien sont-ils à contester les fondements démocratiques de nos sociétés en revendiquant l’idée de posséder la seule et unique formule de la démocratie.

Carences et Apocalypse

Oubliant la notion de liberté d’expression au profit de la seule volonté d’imposer leur vision, ces hommes et ces femmes, tendent à représenter aujourd’hui une par sous-estimée de nos sociétés.


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L’appauvrissement intellectuel des populations liées aux carences des systèmes éducatifs, l’abêtisation des sociétés entretenue par des réseaux sociaux complaisants avec la facilité dialectique proposée par certains contenus travaillent à ce que le sociologue français Gérald Bronner nomme dans son dernier ouvrage l’Apocalypse cognitive* ou ce qu’Umberto Eco nommait l’invasion des imbéciles.

L’ensemble de ces facteurs, et probablement bien d’autres, ont contribué à cet épisode surréaliste de l’invasion du Capitole mais pourraient tout aussi bien expliquer d’autres atteintes à la démocratie dans les années à venir.


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La fracture que cet épisode de violence a révélé aux Etats-Unis n’est peut-être que le préambule à d’autres soubresauts, ailleurs, eux-même annonciateurs de troubles plus lourds et plus dangereux.

Tel un si lent poison...

*Apocalypse cognitive, Paris, PUF, 2021

 

 

Bio: Olivier Longhi possède une vaste expérience en histoire européenne. Journaliste chevronné avec quinze ans d’expérience, il est actuellement professeur d’histoire et de géographie à la région de Toulouse en France. Il a occupé divers postes dans le domaine de l'édition, notamment ceux de chef d'agence et de chef de l'édition. Journaliste, blogueur reconnu, éditorialiste et chef de projet éditorial, il a formé et dirigé des équipes éditoriales, a travaillé comme journaliste pour différentes stations de radio locales, consultant en presse et en édition et consultant en communication.

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